Tamura Nobuyoshi sensei, dernier enseignement

À l'origine, j'avais rédigé cet article en juillet 2011, quelques jours après le premier anniversaire de la disparition de Tamura sensei. Plus de onze années plus tard, je pense qu'il est toujours d'actualité, et je reprend cette base pour rendre hommage à ce tenor de l'aikido, qui a marqué un nombre conséquent de pratiquants dont je fais parti.

Je crois que l'expression qui pourrait convenir pour exprimer mon état d'esprit durant les années, et particulièrement la première, qui suivirent le décès de celui que je désignerai sous le simple titre de sensei, est ''il y a comme "un arc en ciel dans mon cœur".




Cette formule que j'emprunte au personnage de Tchang dans les dernières pages du ''Lotus Bleu'', me semble convenir à cet état d'âme où se mêle souvenirs heureux et perte d'un être cher. Mais c'est cependant un trésor que je chéris, car encore de nos jours, j'ai accès sur la simple base de mon bon vouloir, à une leçon en face à face avec sensei. Il me suffit de replonger dans ma mémoire pour revivre les moments de joie et la richesse de ses enseignements profondément incrustés dans mon cœur.


Lorsque je suis parti m'installer au Japon au cours de l'été 2008 j'avais deux regrets concernant l'aikido. Le premier était de ne pas pouvoir participer pour la première fois en dix ans au Stage International de Lesneven, qui pour moi était le symbole de l'ouverture de la pratique estivale, intensive mais toujours en bonne compagnie.
 





Le second regret était bien entendu de ne pas pouvoir suivre l'enseignement de Tamura sensei chaque mois comme j'en avais l'opportunité auparavant. Malgré 14 ans passés au pays du Soleil Levant, rien ne m'a autant marqué que les heures passées en France et en Europe à suivre l'enseignement de sensei.
 

 Suite à mon départ et jusqu'à son décès, je n'ai eu que deux occasions de le revoir, une première fois au cours d'un diner à Tokyo, en compagnie de nos épouses respectives et notre amie W. La seconde lors d'un retour en France pour participer au stage de Lesneven de 2009. Deux fois en deux ans c'est très peu mais je chéris encore davantage ces moments précieux.
 
Comme bon nombre de mes camarades pour qui Tamura sensei représentait la référence de l'aikido qu'il voulait approfondir, j'ai toujours accordé beaucoup plus de valeurs au passage de grade dit "Aikikai" passé devant lui qu'à celui dit "fédéral" qui  se passait très souvent sous le regard de professeurs qui ne représentaient rien pour nous. J'ai par exemple était jugé lors du 4ème dan fédéral (session 2008) par messieurs Guerrier et Palmier, qui sont bien entendus des professeurs réputés et reconnus mais qui n'étaient en aucun cas des références dans ma pratique.
 
C'est ainsi que juillet 2009 fut l'occasion d'être candidat au 4ème dan Aikikai au cours de la session qui clôturait le stage de Lesneven. Mes sentiments concernant de ce jour-là sont ambigus. Je remercie d'une part le destin de m'avoir permis de passer ce dernier grade technique devant mon sensei, et cela juste un an avant son décès, mais le petit problème qui m'est arrivé au cours de la prestation gâche un peu ce souvenir.




 
En effet, servant alors de uke à un autre candidat, je fus suffisamment chahuté pour voir peu à peu mon corps et mon hakama se séparer, une vraie horreur, au point où je dus même m'arrêter pour retrouver un peu de convenance.
 
La suite de l'examen se déroula dans le calme mais j'eu la chance de me faire "engueuler" (à juste titre il faut bien le convenir) par sensei. Et c'est bizarre, car c'est de ce moment-là que je me souviens uniquement lorsque je cherche à rassembler mes derniers souvenirs le concernant.
 
La dernière phrase de lui dont j'ai souvenir, son dernier enseignement en gros, fut: "Tu n'as pas perdu ta tenue parce que tu étais mal habillé, mais parce que tu ne bouges pas correctement".
 
Je ne porte aucun tatouage, mais je peux vous assurer que ces paroles sont profondément incrustées en moi.

J'ai une véritable passion pour les clichés d'aikido, en en observant certaines, ma passion pour la pratique s'en trouve décuplée. Sur les nombreuses photos, que l'on peut désormais trouver, de sensei, c'est en particulier son shisei, son attitude, et sa façon de porter le hakama qui me font le plus d'effet.




Bien entendu, il ne s'agit pas de s'attacher uniquement à la forme extérieure, mais il est bon de se rappeler que dans le chapitre ''Les fondations'' de son ouvrage ''Aikido'', sensei consacrait le premier paragraphe au shisei, dont il disait ''...le sens de shisei ne désigne pas seulement une attitude extérieure: une bonne forme, un bon style, un bon maintien, mais aussi une forme intérieure visible de l'extérieur dans sa manifestation...''

C'est à mon sens un point primordiale dans notre pratique, et je met particulièrement l'accent dessus lorsqu'il m'arrive d'enseigner.





Que me reste-il à ajouter sinon que:


Merci pour tout, sensei.
 
 



''Construire'' par Tamura Nobuyoshi sensei