L'histoire qui suit n'a sans doute rien d'exceptionnel, mais c'est la mienne. L'aventure d'une vie comme des milliards d'êtres humains en ont fait l'expérience. Et comme toute histoire, cela commence par une rencontre. Dans mon cas, la découverte d'un livre.

À la fin des années 80, sachant mon intérêt pour le Japon, les samourais, etc, ma mère, employée d'une bibliothèque municipale, me ramène une encyclopédie à la couverture de cuir rouge, "Les arts martiaux du Japon".

Au sommaire de ce volumineux ouvrage, un peu d'histoire concernant le pays du soleil levant et sa caste guerrière, les classiques Judo, Karate mais également plus rare à l'époque Kendo et Aikido.

Je crois alors n'avoir jusque là jamais entendu parler de l'Aikido. Le chapitre introduit un bref résumé biographique du fondateur de la discipline et tente de présenter les particularités techniques de ce Budo, aidé pour cela de nombreux clichés de Christian Tissier et ses élèves, techniques, travail à genoux, pratique des armes, toute la variété du travail de l'Aikido est observable. Un prémice de passion est né.


Par chance, dans ma ville natale, un dojo existe. Le professeur Franck P. est un jeune 3e dan, dynamique et talentueux, élève de Tamura sensei, Suga sensei, VDB sensei, etc. J'assiste en simple observateur à un premier cours d'armes dans un gymnase scolaire et dès la séance suivante, dans un dojo équipé de tatami, cette fois, je m'inscris. Nous sommes en septembre 1988, je n'ai pas encore 15 ans et ce voyage de découverte va durer. Par la suite, environ 1 an après mes débuts, c'est Josette L. qui reprit l'enseignement au sein du dojo.

Sur le plan physique, je me souviens que cette première année fut assez rude. Absolument pas sportif à l'époque, j'étais parfois si fatigué que j'étais incapable de venir certaine semaine.

Mais la passion me gagna rapidement et progressivement je m'engageai davantage dans la pratique, à la fois par la régularité au dojo, ne manquant quasiment aucun keiko mais également au travers des stages. Le premier expert japonais de renom dont je suivis l'enseignement fut Arikawa Sadateru. Moins d'un an plus tard, je fis  la rencontre du professeur qui guide encore à présent ma pratique, Tamura Nobuyoshi. J'ai encore quelques images vivaces de cet évènement bien que 30 ans se soit écoulé depuis lors. Tamura sensei nous faisait travailler sur Hagai jime, une attaque où le partenaire vient encerclé nos bras par derrière. J'ignore si j'avais déjà été confronté à une telle saisie à l'époque mais je tentais tant bien que mal de réaliser la technique démontrée. Lorsque Tamura sensei vint pour me saisir de la sorte, je fus totalement incapable de faire quoi que ce soit. 


Cette dernière phrase pourrait à elle seule résumer la majorité de mes contacts sur le tatami avec sensei. Il ne faudrait cependant pas s'imaginer que Tamura sensei s'évertuait à bloquer ses élèves, au contraire il nous empêchait de partir dans une mauvaise direction, nous mettant sur des rails fermement, alors que nous nous entêtions à tout faire pour au contraire dérailler. Mais petit à petit, la direction juste se dessinait.

1998, si mon souvenir est correct, fut une étape importante. Shodan depuis peu, je pus enfin suivre Tamura sensei d'une manière plus dense, participant au cours de la décennie qui suivit à la majorité de ses stages en France mais également en Europe, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Suisse, etc.

Bien entendu, outre l'enseignement de Tamura sensei, qui reste et demeure le cœur de ma pratique, de nombreux professeurs sont venus enrichir mon expérience. Citons principalement Yamada Yoshimitsu, Sugano Seiichi, Saito Morihiro, Osawa Hayato, pour le Japon, mais également mes senpai tel Nebi Vural, J.Y Levour'ch et bien d'autres encore.



Le début des années 2000 fut également la période où je mis à enseigner l'aikido de manière plus régulière dans divers dojo de la région parisienne.

En 2008, ma vie prit un nouveau tournant puisque c'est au Japon que se poursuivit ma pratique. J'y fut en effet résidant durant 14 ans. 2009 fut malheureusement la dernière année où j'eu la joie de pratiquer avec Tamura sensei. Ce dernier devant décéder l'année suivante. Le destin m'accorda cependant la possibilité de passer l'examen de Yondan devant lui, lors de ce même stage de Lesneven où j'avais obtenu mes grades précédent. Un cycle s'achevait.

Été 2008 donc, à la fois pour raison professionnelle et personnelle, avec un bon coup de pouce du destin, je deviens résident à Tokyo. Loin de l'enseignement de Tamura sensei, il est cependant inenvisageable que je stoppe une pratique qui dure depuis déjà vingt ans. Je vis à ce moment-là dans l'arrondissement de Setagaya, non loin du quartier de Sangenjaya. C'est mon quatrième voyage au Japon à l'époque et je connais bien en particulier ce coin de Tokyo. À proximité se trouve le dojo Tendokan (天道館) dirigé par Shimizu Kenji. Ce dernier fait parti de la dernière génération de uchi deshi du fondateur de l'aikido. À la mort de ce dernier en 1969, il prend son indépendance et ouvre ce fameux dojo à Sangen jaya.


L'aikido de Shimizu sensei est rond et puissant, dynamique. Cependant, ni le suwari waza ni les buki waza ne sont pratiqués, et c'est ce qui me conduisit un peu plus d'un an après, à m'orienter vers un autre enseignement de l'aikido.

Dans le monde de l'aikido, si on pense au travail des armes, c'est souvent aux écoles du courant "Iwama ryu" que l'on pense. C'est pourquoi au début de l'année 2010 je rejoignis le Uehara dojo de Otaka Makoto. Otaka sensei est élève de Saito Hitohira, fils et successeur de la légende Saito Morihiro, et le travail proposé repose sur les bases et sur le travail du sabre et du jo. Cette période fut comme une période de révision des gammes. Très enrichissant.

Durant cette même période, j'intègre grace au concours de Olivier G. les classes de Daito ryu données par Kobayashi Kiyohiro sur Tokyo. Je poursuis ainsi la pratique du Takumakai Daito ryu durant un court laps de temps, une année environ, jusqu'à l'obtention du Shodan.


Quelques temps avant de quitter le Tendokan, j'avais également intégrer la classe de Akuzawa Minoru, fondateur de l'Aunkai Bujutsu. J'avais rencontré Akuzawa sensei en 2007 et dire que j'avais été impressionné par ses capacités martiales serait un doux euphémiste. 

La méthode Aunkai vise à construire un corps capable de faire vivre les techniques martiales. Au programme une grande diversité d'exercices solo, qu'il faut par la suite approfondir en travaillant avec un partenaire. Les cours de plus de trois heures, deux fois par semaine, étaient épuisants mais source magnifique de progrès.  Le lieu de pratique se trouvait à au moins 1h de mon domicile, et je rentrais souvent à 23h. Lorsque je devins père en 2012, je ne pouvais plus disposer d'un emploi du temps aussi modulable qu'auparavant, et peu à peu, je cessai de fréquenter l'Aunkai.

Avec la naissance, ma seule option pour poursuivre ma pratique était de m'orienter vers des horaires sortant quelque peu de l'ordinaire. C'est un des avantages que proposait le Honbu dojo de l'Aikikai, ce lieu qu'on nomme la Maison-Mère de l'aikido.


 J'avais déjà fréquenté ce lieu mythique de l'aikido, et bien que n'étant pas un grand admirateur de la pratique proposée, outre le nombre de cours proposé au quotidien, ce dojo offrait l'avantage de pratiquer avec une grande diversité de pratiquants, tant en terme de niveau, de style, d'origine.

C'est ainsi que durant une dizaine d'années, je devins un pratiquant régulier du Honbu dojo, même si je ne peux me prévaloir d'être devenu l'étudiant d'un professeur en particulier. Si je devais cependant citer quelques noms, outre celui d'Osawa Hayato, rencontré au début des années 2000, grâce à Tamura sensei, j'avouerai une préférence pour des enseignants de la même génération que moi, Sakurai sensei et Katsurada sensei.

Durant cette même période, j'eu la joie immense de pouvoir intégrer une très ancienne école de sabre qui m'intéressait depuis fort longtemps, le Shinkage ryu hyoho au sein du groupe Marobashikai. Une quinzaine d'années auparavant, j'avais parcouru avec avidité deux ouvrages présentant les formes, l'histoire, la philosophie du Shinkage ryu, école datant du XVIe siècle, écrit par Watanabe Tadashige, chef de file de l'association Marobashikai.

Non loin de chez moi, se trouvait un des dojo du groupe et environ une fois par mois, Watanabe sensei venait y enseigner. Coïncidence amusante, le shihan en charge du lieu se trouvait être littéralement un de mes voisins.

Une nouvelle excursion martiale démarrait en parallèle de l'aikido.


Le Shinkage ryu fait parti de ces styles martiaux créés à une époque où on se battait en armure, mais qui s'est fortement développé durant l'ère de paix du règne des shogun Tokugawa. Ainsi, l'école met fortement l'accent sur la structure du corps, toucher l'adversaire avec le sabre ne suffit pas, ou faut se servir de ce contact pour déséquilibrer, emmener, contrôler le corps entier de celui qui nous fait face...un travail d'une richesse prodigieuse.

La période Covid fut également celle où pour diverses raisons je quittais Tokyo, pour Yokohama, et ma fréquentation des divers dojo s'arrêta durant plus d'une année. Ce fut cependant le moment pour moi de me concentrer davantage sur ma pratique en solo, principalement les armes, et plus particulièrement le jo, qui reste et demeure mon outil de prédilection.

En septembre 2021, je revins sur Tokyo, à nouveau dans Setagaya, et durant les quelques mois qui précédèrent mon retour en France, j'eus le plaisir de pratiquer dans le dojo de Sawa Ryuji.


Sawa sensei est originaire du village d'Iwama et c'est là, qu'adolescent, il débuta l'aikido sous la direction de Ueshiba Morihei et de Saito sensei. Sa pratique très fluide, allie rigueur et douceur, et ce qui ne gâche rien, sa personnalité est d'une gentillesse remarquable. L'aikido de Sawa sensei fait partie de la branche Iwama ryu mais présente de nombreuses différences avec le style de Saito Hitohira. Ce dernier ayant notamment apporté un certain nombre de changement par rapport à l'enseignement de son père.

Finalement, 2022 fut l'occasion de rentrer en France et de reprendre ma pratique au sein de la FFAB - Aikikai de France, ainsi que l'enseignement dans divers endroits de la région parisienne et de la Normandie.