Noma dojo 野間道場


Dans la période d’avant-guerre, il était de notoriété publique qu’il existait dans le monde du kendo, quatre grands dojo à Tokyo. Il s’agissait du Meishinkan où Takano Sasaburo enseignait le Ono ha Itto ryu, le Yushinkan du célèbrisime Nakayama Hakudo où se pratiquait le Shinto Munen ryu, le Kodogikai de Ishi Saburo et enfin le Noma dojo.




Situé dans l’arrondissement Bunkyo de Tokyo, à proximité du temple bouddhiste Gokokuji, le Noma dojo fut construit en 1925 à l’initiative de Noma Seiji, le fondateur de la société Kodansha, la plus importante maison d’édition du Japon.



Noma Seiji


Noma Seiji, passionné de kendo depuis son enfance, disait que «les arts martiaux reflétaient la route de la vie» . L’histoire de ce dojo est longue et bien remplie. Près des bureaux de Kodansha se trouve un poste de police possédant un dojo de kendo. C’était déjà le cas dans les années 1920. En 1923, Noma Hisashi, le fils de Seiji, âgé de 15 ans, débuta sérieusement la pratique du kendo avec la police. Puis il devint membre du Yushinkan.


Nakayama sensei du Yushinkan démontrant un kata de kendo au Noma Dojo


Noma Seiji demanda à Abe Giichi d’enseigner à son fils, et la même année, il invita également Masuda Shinsuke et Wasada Tetsuzo à rejoindre le nouvellement formé Kodansha Kendo club. Un petit dojo fut bâti sur le terrain de la demeure Noma en automne de cette même année. Au début, la pratique se déroulait dans l’après-midi principalement pour les jeunes hommes employés (à l’époque on pouvait intégrer la société à l’âge de 15 ans), afin de se maintenir en forme et en bonne santé.
Mais rapidement, devant l’intérêt qu’éprouvait Noma Seiji pour la pratique de ses
employés, prodiguant conseils et critiques, l’entraînement se fit davantage sérieux et l’habileté de ses membres augmenta.
En 1927, Mochida Moriji organisa la première rencontre internationale de Kendo et en 1930, remporta la coupe de l’Empereur, en présence du souverain du Japon. A la suite de cela, Noma Seiji invita Mochida à devenir professeur résident du Noma dojo, faisant de ce dernier par là même un employé de la société Kodansha. A partir de ce moment, des demandes provenant de tout le pays afinde recevoir un enseignement, arrivèrent en nombre. Et pour faire face à cet afflux, un cours du soir démarra ainsi qu’une extension du dojo. Cela se passait en novembre 1930.


Noma Dojo


En plus de Mochida, d’autres grands noms du kendo rejoignirent les rangs des enseignants du Noma dojo, Matsuda Shinsuke, Yagi Sanzaburo, Ono Tomonori, Kuwata Fukutaro et Ohata Goichi. De plus, le nombre de membres possédant le grade de Kyoshi atteignit 54. On compta dans cet âge fleurissant du dojo, une centaine de membres, hommes et femmes, employés ou non de la société Kodansha.
En novembre 1933, le dojo connu une nouvelle extension pour atteindre sa taille actuelle de 9m sur 28, ce qui constitue un très grand espace pour un dojo privé au Japon. Il devint de par le fait l’un des plus splendides du Japon.




Les principaux sabreurs de l’époque rendaient visite régulièrement au Noma dojo. Et la victoire en mai 1934, de Noma Hisashi, en tant que représentant de la préfecture de Tokyo, a un grand tournoi national de deux jours, établit fermement la réputation de Kodansha dans le monde du kendo. Le Noma dojo survécu à la guerre et au temps jusqu’à notre époque moderne, mais malheureusement, en 2007, la direction de Kodansha décida la destruction de l’ancien bâtiment pour faire place à un bâtiment plus moderne. Et cela malgré les protestations provenant aussi bien des pratiquants du dojo que de certains
milieux conservateurs.
Il faut savoir qu’au Japon les bâtiments n’ont pas la même attention qu’en Europe par exemple. Une bâtisse de 30 ans est considérée comme très vieille, et en général, le terrain a plus de valeur que le bâtiment qu’il accueille. De plus les conditions climatiques et sismiques sont une source certaine de détérioration.


Pour ma part, en tant qu’Aikidoka, le nom de ce dojo est définitivement associé à
l’immense collection de photographies datant de 1936, où Ueshiba Morihei démontre sur la personne de Yonekawa Shigemi, une grande diversité de techniques provenant directement du Daito ryu.



Si certains mouvements seront familiers à bon nombre de pratiquants, une partie importante n’est désormais plus étudiée dans les principaux courants d’aikido actuels.


Des techniques connues de tout aikidoka


D’autres bien plus rarement étudiés


Voir complètement disparus


Dans les années 30, Ueshiba sensei était inquiet concernant l’absence d’un successeur à la tête de son art, en effet, à l’époque, son seul fils encore en vie (il avait dans le passé perdu deux de ses fils en bas âge), Kisshomaru, était encore trop jeune. Il proposa ce «poste» à divers jeunes talents du monde du Budo au cours de ces années, notamment Mochizuki Minoru sensei, ou bien encore Nakamura Kiyoshi sensei, qui pour un temps, ayant épousé la fille de Ueshiba, fut adopté par ce dernier sous le nom de Ueshiba Morihiro.


Ueshiba sensei avec pour uke, Nakamura Kiyoshi


C’est par l’intermédiaire de Nakamura Kiyoshi que ces prises de vue dans ce lieu illustre qu’est le Noma dojo purent avoir lieu. Nakamura était en effet ami intime avec Noma Hisashi, le fils de Noma Seiji. C’est lui qui eu l’idée d’effectuer ces prises de vue avec un appareil Leica, à la pointe de la technologie pour l’époque.
Il existe entre 1000 et 2000 clichés et seuls 50% environ ont été publié (dans divers ouvrages de John Stevens notamment ou encore dans la première édition des ouvrages «Traditional Aikido» de Saito Morihiro). La collection complète des originaux semble désormais être en possession du collectionneur et professeur de Daito ryu, Kondo Katsuyuki sensei.



J’apprécie grandement l’ensemble des clichés auxquels j’ai pu avoir accès. D’une part, leurs qualités et leurs diversités sont de loin supérieurs à celles, par exemple, de l’ ouvrage Budo. Et même si je reste persuadé que l’apprentissage d’un grand nombre de techniques ne constitue en soi rien d’important, la construction du corps et du mental étant au final la seule chose primordiale, la richesse et la diversité des techniques qui constituent encore de nos jours le contenu de certains courants du Daito ryu, doit être préservé comme un véritable trésor.
Si certains mouvements découlent assez simplement des mouvements classiques de l’Aikido et peuvent donc par conséquent être redécouvert assez facilement, d’autres, vraiment complexes, risquent de véritablement disparaître s’ils ne sont pas conservés vivants par la pratique.



Espérons un jour que chacun puisse y avoir accès dans leurs intégralités. Il y a quelques temps, j'avais commencé à rassembler le plus grand nombre possible de ces images sur un album de la page Facebook de Budoshugyosha.

Kunii Zenya, l'hérétique du Budo