Murashige Morihiko, souvenir d'un deshi

Voici la suite de l'entretien avec Murashige Morihiko, fils de Murashige Aritoshi.

La première partie étant consultable ici.




Entretien avec Murashige Morihiko (seconde partie)
Y-a-t-il quelque chose de particulièrement important que vous avez appris de O
sensei?
Je ne m’en souviens pas vraiment.
Autre chose dont vous vous souvenez à propos de lui?
Et bien j’ai eu mes grades dan gratuitement. (Rires) J’avais obtenu mon shodan lors d’un cours de Yamaguchi sensei de manière normale. Pour mon nidan, j’étais sur le point de me rendre à New York. C’était en 1965. Aussi je suis allé présenter mes respects à O sensei et lui annoncer que je partais aux USA pour un an ou deux. Il me demanda, « Quel dan as-tu? ». Je répondis, « Shodan» .
Il dit alors, « Et bien maintenant, tu es Nidan» .
Juste comme ça?
Oui, « Hé Kisshomaru, donne-lui un Nidan. Sans frais» .

Vous êtes ensuite allé à New York?
Oui pour mon travail. La première fois pour une durée d’un an et la seconde, peu de temps après, pour six mois. Mon entreprise m’avait envoyé superviser leurs affaires américaines. Peu importait que je ne parlais pas beaucoup anglais. Nous vendions des flashs et je dirigeais un centre de réparation car c’était trop coûteux de les renvoyer au Japon.


A



J’ai pratiqué avec Yamada sensei dans son dojo. La façon dont je l’ai rencontré était amusante. Je vivais à Broadway et je rentrais à pied chez moi lorsque j’ai vu un japonais arrivé dans le sens opposé. Il n’y avait pas beaucoup de japonais à New York. Je l’ai observé et j’ai pensé: « Est-ce que je le connais?» . Il semblait se demander la même chose. Je ne savais pas que Yamada sensei s’était établi au Japon à New York. En effet, (à Tokyo) j’allais au cours du matin puis je me précipitais au travail, je n’étais donc pas tellement au courant de ce qui se passait au honbu. Nous nous sommes croisés en nous regardant l’un l’autre d’une manière étrange. Puis je me suis retourné en disant, « Mr Yamada?» . Et lui, « Murashige? Qu’est-ce que tu fais là? » (Rires) Je lui ai demandé où il allait et il m’a dit: « Au dojo« . « Il y a un dojo ici? Je ne savais pas!« . Je lui ai demandé de m’attendre, je suis allé prendre mon dogi et nous sommes partis ensemble. C’est ainsi que j’ai commencé à pratiquer à New York.

C’était différent de la pratique au honbu?
Par beaucoup car c’était Yamada sensei. Cependant, les pratiquants étaient plus grands.




Avez-vous enseigné?
Oui, je n’avais pas beaucoup d’argent et Yamada sensei m’a laissé enseigner. Je gagnais 20$ par cours, ce qui était très bien. J’enseignais le jeudi soir de 18 à 19h, alors que Yamada sensei enseignait au New Jersey.
Quand êtes-vous retourné au Japon?
Cela devait être vers la fin de 1966. Je suis allé au Vietnam.

Durant la guerre...
Oui, nous vendions des flashs à l’armée US, je négociais les contrats.
J’y suis resté deux mois, puis je suis allé au Cambodge un mois environ. J’ai également durant cette période été à Singapour et à Hong Kong. j’ai quitté cette entreprise en 1969.
Et puis?
Je suis rentré dans ma ville natale avec mon épouse.
Quel était votre grade à l’époque?
Sandan. En revenant de New York, O sensei me l’avait décerné.




Etiez-vous à Tokyo au moment de sa mort?
Non, je me souviens y être allé après que le nouveau dojo est été construit, mais c’était en 1968. O sensei est mort l’année suivante.
Quelle fut votre réaction à l’annonce de sa mort?
Quelque chose comme « J’aurai dû passer plus de temps à m’entraîner avec lui« . Ce fut le même sentiment lorsque Yamaguchi sensei mourut. Je suis sorti et j’ai bu.
En étant revenu chez vous, que faisiez-vous?
J’étais fermier. J’élevais des carpes. Cela dura de mes 24 ans à mes 30.
Et l’aikido?
Je n’en faisais pas du tout. Mais chaque jour je pratiquais les suburi. 2000 coupes, qu’il pleuve ou fasse soleil, après mon travail. Puis en 1975, j’ai déménagé dans Kyushu puis plus tard, à Tokyo, où se trouvait ma mère.
J’ai travaillé comme cuisinier, apprenant à faire des sushi et des tenpura. J’étais occupé de tôt le matin jusqu’à tard le soir. Par manque de temps, je ne pratiquais plus du tout.
Puis vous êtes parti pour San Diego?
En fait, nous sommes tout d’abord allé à Guam durant six mois. Je travaillais dans un restaurant japonais. Nous sommes arrivés aux USA en 1978 pour travailler dans l’établissement de mon frère. Cela faisait dix ans que je n’avais pas pratiqué, bien que j’effectuais des suburi.




Comment avez-vous recommencer à pratiquer?
Un jour, Yamada sensei, Kanai sensei et Chiba sensei sont venu dans mon restaurant. C’était vers 1980. Personne ne m’avait prévenu et tout trois sont arrivés sur place. Ils savaient que je travaillais là, mais je ne savais pas comment. Ils se sont assis au bar, en disant « Hé!» . C’était comme voir trois yakuza se trouvant sur un lieu leurs appartenant. Les clients étaient tous silencieux (Rires)


Yamada Yoshimitsu, Kanai Mitsunari et Chiba Kazuo, trois condisciples, amis et propagateurs de l’aikido aux USA


Chiba sensei m’annonça qu’il cherchait à ouvrir un dojo soit à San Diego, soit en Floride, ou peut-être au Texas. Aussi j’ai dit, « Le mieux c’est la Floride, allez en Floride » (Rires) Mais un an après il est revenu et a ouvert un dojo ici. Ils m’ont demandé d’enseigner et c’est ce que j’ai fait deux fois par semaine.
Etait-ce dur de revenir à la pratique après si longtemps?
Non, cela allait. Je n’avais alors que 33 ou 34 ans. Mon corps était encore fort, je pouvais encore bougé et subir un entraînement sévère. Quand j’avais du temps, je pratiquais, probablement deux fois par semaine car j’étais occupé par le restaurant.
Comment compareriez-vous la pratique de l’aikido aujourd’hui avec votre expérience d’il y a 40 ans?
Je ne sais pas vraiment comment répondre à cette question. Je suis juste intéressé par la pratique, par la technique. On dit que l’aikido est plus comme une danse ou un sport qu’un vrai combat. J’ai entendu des personnes dirent cela au honbu dojo, bien que je n’ai pas pratiqué là beaucoup de temps, donc je ne sais pas. Dans le passé, les gens frappaient un makiwara pour exercer leur atemi.




Lorsque vous voyez les élèves ici à l’Aikikai de San Diego pratiquer, pensez-vous que cet esprit a été préservé?
Oui, je le pense. Mais je considère qui penser trop n’est pas bon. Tout est dans la tête. Le but de l’aikido, comme Chiba sensei et d’autres le disent, est de prendre la force de votre adversaire. Quelqu’un arrive et vous utilisez cela, et l’amenez au sol. C’est la technique de l’aikido et cela doit être préservé. Mais penser que l’aikido est ceci ou cela n’est pas bon. La manière de faire les choses change, la manière de Chiba sensei de faire les choses change.

Penser que quelque chose est « vieux » est une vue de l’esprit. Chiba sensei prend cela très au sérieux, il a un très fort sens des responsabilités. Il est de ce genre de personne qui, si elles font une erreur, considère qu’il doit s’ouvrir le ventre pour en prendre la responsabilité.
Autrement dit, il possède une forte volonté de transmettre ce qu’il a reçu de O
sensei?
Oui, pour sauver les gens. Des personnes viennent ici et Chiba sensei prend en charge le fait de prendre vraiment soin d’eux. J’en serais incapable, c’est pourquoi je le suis. Il a un esprit très pur. Les gens pensent qu’il est effrayant mais ce n’est jamais ainsi que je l’ai considéré.


Le jeune Chiba devant le kamiza du honbu dojo





Murashige Morihiko, souvenir d'un fils
À propos de Murashige Aritoshi