L'héritage de Tamura sensei

En quittant la France pour le Japon en 2008, mon principal regret de pratiquant d'aikido était de ne plus recevoir sur une base régulière les enseignements de Tamura Nobuyoshi, shihan de l'Aikikai et élève direct du fondateur. Je ne savais pas à l'époque que je ne faisais qu'expérimenter un deuil avec deux ans d'avance sur le reste de mes condisciples restés en France ou en Europe.


En ce mois de juillet 2023, nous venons de commémorer les 13 ans de la disparition de sensei. Mais malgré l'amertume du vide qu'il a laissé, c'est avant tout la plénitude du lien familial qui unit ses élèves que je ressens.

Sensei ne nous a pas laissé un ensemble de techniques, de kata à préserver, ou que sais-je d'autre encore. Non. Il nous a laissé une direction de travail, un sens unique d'appréhension de ce Budo unique qu'est l'Aikido.

J'ai en 35 ans de pratique, eu la chance de recevoir l'enseignement de nombreux grands noms de la discipline et sur ce laps de temps, j'ai pu rencontrer durant 14 ans au Japon certains acteurs modernes de l'Aikido. Aucun d'eux, cependant, n'a pu me faire ressentir cet émerveillement qui m'imprégnait (et m'imprègne encore) lorsque j'avais l'occasion d'observer les démonstrations de Tamura sensei. Et même cela est bien entendu sans commune mesure avec le fait de passer entre ses mains.

En l'espace de deux semaines, j'ai eu la chance de participer à deux évènements qui m'ont fait prendre davantage conscience de ce lien de fraternité et de sororité qui unit ceux et celles cherchant à poursuivre la voie tracée par Tamura sensei.

Le samedi 8 juillet tout d'abord, avec lieu dans le dojo de Saint Gratien (95) une journée hommage animé par deux excellents cadres techniques de la FFAB et frères d'arme si je peux utiliser cette formule, Xavier Boucher et Gabriel Femenias. Malgré la chaleur de la journée, les participants furent nombreux et l'intensité de la pratique au rendez-vous.


Chacun a sa manière, Xavier et Gabriel mirent l'accent sur certains des points primordiaux de l'enseignement de Tamura sensei: shisei, lien avec le partenaire, l'utilisation des hanches, respiration, etc.


Le second évènement est à la fois les retrouvailles avec des vieux amis et la découverte d'un lieu exceptionnel: Le dojo de Martinpré.

Ce week-end du 14 juillet se déroulait sur trois jours un stage alliant pratique intensive de l'Aikido et Iaido. Au programme, une première heure de la matinée consacrée au travail du sabre puis au cours de la journée 5h d'Aikido.


Le dojo de Martinpré situé à Gerardmer dans les Vosges est le fief d'Eric Havez, enseignant d'Aikido et cadre technique au sein du ''Cercle de Iaido'', une association visant à regrouper les pratiquants d'Aikido  le souhaitant afin d'améliorer leur pratique à travers le Iaido. C'est dans cet optique que notre hôte nous proposa divers exercices basés sur le curriculum de l'école Muso shinden ryu. Cela en accord avec la pensée de Tamura sensei qui disait qu'à travers la pratique du Iaido, on pouvait trouver des solutions pour l'Aikido.

Même si désormais ma pratique se base davantage sur l'école Seigo ryu battojutsu, le travail proposé par le Cercle de Iaido va bien au-delà d'un simple apprentissage de forme. Centrage, coordination, sens de la coupe, engagement, etc sont des valeurs directement applicables à la pratique de l'Aikido.


Bien entendu, le cœur de la pratique était consacré à l'Aikido sous la houlette d'Antoine Soarès, CEN au sein de la FFAB. Je connais Antoine depuis 25 ans et son enseignement reste et demeure l'un des plus précieux à mes yeux.


Il fut, à mon sens, un des partenaires privilégiés de Tamura sensei et en tira profit pour capter le maximum de cette expérience. Des notions comme travailler à vitesse constante, conserver un shisei correct, ne pas travailler en opposition, utiliser l'articulation des hanches, etc. font parti des fondamentaux que l'on retrouve dans le travail d'Antoine.

Tant au travail des armes qu'à celui à ​mains nues, son enseignement est en permanence une source de pistes nouvelles, une remise en question et du baume au coeur pour poursuivre sur la voie tracée par Tamura sensei.

Bon été à tous et bonne pratique.


Le véritable Katsujinto