Bumeshi, la nutrition du guerrier


Dans son numéro de décembre 2009, le magazine japonais Hiden consacre un dossier au bienfait de la nourriture traditionnelle japonaise qui constituait la base de l’alimentation des guerriers d’antan. Je vous propose aujourd’hui la traduction d’une partie de cet article.


Kuroda sensei, dont plusieurs photos illustrent le dossier


La reproduction du repas du samurai – Un jus et un plat

Sur la photo ci-dessous nous avons reproduit de façon moderne le repas des samurai durant la période Genroku (1688-1704) de l’ère Edo.




On peut constater la profondeur de la connaissance du corps à travers le principe de « Un jus – Un plat » qui constituait ce qu’on appelait le repas idéal. 

La nourriture d’appoint: la sardine

Les poissons et les coquillages sont à la fois une source de protéines faisant jeu égal avec la viande et contiennent des acides gras insaturés qui fluidifient le sang. Ils contiennent aussi beaucoup de DHA (acide docosahexaénoïque) et de EPA (acide icosapentaénoïque) qui ont un fort pouvoir anti-oxydant. Du collagène pour construire entres autres les os et les tendons est également présent. Les aliments de base que sont les petits poissons et les Aozakana (青魚, poissons bleus du type sardine) ont permis aux japonais de se construire un corps souple et fort.




Les tsukemono
A l’époque où il n’y avait pas de réfrigérateur, les aliments fermentés représentés par les tsukemono, étaient le moyen de s’approvisionner au quotidien en ingrédients frais riches en vitamines et en minéraux. Et particulièrement les nukazuke fabriqués à partir du son (nuka) recueilli lors du blanchiment du riz.

(NdT: les nukazuke sont une sorte de Tsukemono obtenu par fermentation de légumes dans du son du riz.)




Ce n’était pas uniquement un procédé de conservation, le bon sens des anciens a permis de faire coup double avec la valeur nutritionnelle.

Un jus: la soupe Miso




Le plus grand mérite de la soupe Miso (miso shiru) provient de l’association entre le dashi (bouillon) qui contient la saveur (umami) et le miso qui provient de la fermentation des graines de soja (daizu).
Le Katsuobushi (flocons de bonites séchées), le Konbu (varech) et les Iriko (petites sardines séchées) qui forment le dashi sont tous issus de la transformation de produits de la mer. Daizu (Miso) et riz brun (complet) forment la meilleur combinaison en tant que source d’acides aminés. 

L’aliment de base: le riz assorti de céréales 




Le riz brun, sorte de céréales, est un aliment vital pour les japonais. Le caractère KI (氣, énergie vitale) contient celui du riz (米), d’où le sens particulier d'« absorber la vie ». On a choisi des céréales comme l’Awa (粟, Setaria italica), le Hie (稗, Echinochloa esculenta), le Kibi (黍, Panicum miliaceum), etc, pour pallier aux insuffisances du riz. Je veux encore une fois souligner l’importance du terme « Aliment de base » avec le sens d'« aliment vital ».





Pratiquer le concept du Sa, Shi, Su, Se, So du Bumeshi chez soi

Je tiens à vous présenter ici la manière d’arranger chez soi le repas à la manière du Bumeshi (repas du guerrier), selon le concept de Sa, Shi, Su, Se, So, base du repas japonais.
(NdT: Les syllabaires japonais Hiragana-Katakana qui contiennent les sons de base de la langue japonaise sont constitués de la combinaison entre différentes consonnes ( K,S, T, etc) et les cinq voyelles A, I, U, E, O. Dans la cuisine traditionnelle japonaise, il existe ainsi un concept servant à décrire les cinq assaisonnements classiques, les cinq sons associés à la consonne S: sa, shi, su, se, so)


Le syllabaire Hiragana


NB: Le mot Bumeshi (武食), littéralement « repas guerrier » est une invention journalistique du magazine Hiden.
Plutôt que de décrire des menus et des ingrédients, nous allons porter notre attention sur l’assaisonnement et réfléchir à ses divers effets. Je pense qu’il faut manger en essayant de s’interroger sur son propre corps.

Sa comme sato (le sucre)




Il s’agit donc de さ(sa) comme さとう(sato, 砂糖, le sucre). En général, il vaut mieux éviter le sucre blanc. De la même manière que le riz blanc, on ne
peut le recommander car il entraine l’instabilité mentale et la fatigue chronique, fait progresser l’oxydation sanguine et fait varier brusquement le taux de la glycémie. Ce n’est que maintenant, 50 à 60 ans après la guerre, que le sucre blanc fait partie de l’assaisonnement classique que l’on trouve sur toutes les tables. Auparavant, on faisait ressortir le goût sucré en ajoutant du mirin (sake servant à la cuisine), etc.
Par conséquent, dans le Bumeshi, il n’y a que l’assaisonnement du « rien ». Si on veut du goût sucré de toute façon, il est préférable d’utiliser du sucre brun qui n’a pas été purifié ainsi que des oligosaccharides qui agissent sur les intestins.

Shi comme shio (le sel)




Le sel fait partie des trois éléments du Bumeshi (à savoir le sel, l’eau, le riz). Il ne s’agit pas de ce qu’on appelle habituellement le « sel de table », c’est autant que possible, un sel qui a été purifié et récolté selon une méthode naturelle.




En 1971, les champs de sel ont été abolis mais à notre époque, la loi a été révisée et le nombre de commerçants produisant du sel naturel est en augmentation.
Comme il existe aussi des commerçants traitant du sel de productions étrangères, il est nécessaire de contrôler fermement les matières premières, etc.
Il est bon de faire ressentir cette volonté aux commerçants, et pas seulement pour le sel.

Su comme su (le vinaigre)




Le vinaigre, qui contient de l’acide citrique, est bon pour récupérer de la fatigue. Cela est en rapport avec les mitochondries.
(NdT: Les mitochondries sont des organites cellulaires, c’est à dire un compartiment au sein des cellules vivantes, dans lequel a lieu un cycle chimique primordiale pour l’organisme, le cycle de Krebs ou cycle de l’acide citrique. On peut voir ainsi la mitochondrie comme une sorte d’usine énergétique de la cellule)
A l’intérieur des mitochondries, il existe un cycle TCA (pour acide tricarboxylique) que l’on nomme aussi cycle de l’acide citrique. L’analyse des nutriments montre l’intervention de l’acide citrique dans le cycle TCA pour renouveler l’énergie, c’est la raison pour laquelle, en fin de compte, cela contribue à récupérer de la fatigue.
Il existe du vinaigre issu du riz, du riz brun, du Koji (levain de riz, de céréales, etc), de la pomme, etc. Il est préférable de choisir une fermentation naturelle sur une longue période, en évitant la distillation chimique.

Se comme shoyu (sauce de soja) et So comme miso (pate de soja fermentée)


Shoyu




Miso


Le Se de Shoyu (sauce de soja) et le So de Miso (pâte de soja fermenté). Tous deux proviennent de denrées alimentaires fermentées avec des graines de soja et du sel. Le fait d’avoir fermenté, augmentent la valeur nutritionnelle des graines de soja. Ainsi plutôt que d’acheter des légumes organiques de mauvaises qualités, ils étaient recommandés selon les critères du Bumeshi, d’utiliser du miso et du shoyu.




Si la qualité des matières premières comme les graines de soja est un critère important de choix, la méthode de distillation l’est aussi. Il est bon de distiller, à l’instar du vinaigre, d’une manière naturelle. En ce qui concerne le choix de la matière première, il repose sur la simplicité et sur l’authenticité.

TAMURA NOBUYOSHI, le corps, coeur de la pratique
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